Dans le paysage français de la mobilité professionnelle, 44% des véhicules d’entreprise sont des voitures de fonction. Avec 805 941 immatriculations de véhicules de société en 2021, la gestion de flotte devient un enjeu stratégique majeur. Face aux évolutions réglementaires de 2025-2026, comprendre les différences entre véhicule de fonction et véhicule de service s’avère crucial pour optimiser vos coûts et respecter la conformité fiscale.
Distinction clé : véhicule de service vs. véhicule de fonction
Le choix entre un véhicule de service et un véhicule de fonction repose principalement sur l’usage privé autorisé. Le véhicule de service est un outil professionnel pur : son utilisation est strictement limitée aux déplacements liés à l’activité de l’entreprise. Il ne constitue pas un avantage personnel pour l’employé, bien que les trajets domicile-travail puissent être tolérés, à condition que cette exception soit explicitement mentionnée dans le contrat (une exigence renforcée en 2025). Inversement, le véhicule de fonction est considéré comme un avantage en nature permanent : l’employé est autorisé à l’utiliser librement pour des besoins personnels, y compris les weekends, pendant les congés ou pour transporter sa famille, ce qui implique son rattachement au salarié et nécessite son accord en cas de retrait.
| CARACTÉRISTIQUE | VÉHICULE DE SERVICE | VÉHICULE DE FONCTION |
|---|---|---|
| Usage principal | Exclusif aux déplacements professionnels. | Usage mixte (Professionnel et Personnel). |
| Usage privé | ❌ Interdit (sauf exception Domicile-Travail, si stipulé). | ✅ Autorisé (weekends, vacances, famille). |
| Statut/Avantage | Outil professionnel pur. Non rattaché au salarié. | Avantage en nature permanent. Rattaché au salarié. |
| Règlementation Contrat | Clause obligatoire interdisant l’usage privé. | Accord du salarié pour l’usage mixte obligatoire. |
| Retrait du Véhicule | Possible à tout moment par l’employeur. | Nécessite l’accord du salarié pour le retrait. |
Synthèse des changements fiscaux 2025-2026
La période 2025-2026 introduit deux changements majeurs dans la gestion des véhicules. Premièrement, une nouvelle obligation déclarative est entrée en vigueur au 1er février 2025, exigeant désormais la déclaration annuelle obligatoire et détaillée de tous les véhicules de fonction mis à disposition des salariés, incluant le type de véhicule, la durée de l’avantage et le kilométrage personnel précis et la déclaration annuelle des données sociales (transmission avec la DADS). Cette information doit être transmise à l’administration fiscale via la DADS. Deuxièmement, le malus écologique a été considérablement renforcé dès 2025, avec une augmentation des pénalités pour les véhicules thermiques polluants atteignant plus de +110% pour certains seuils d’émissions de CO₂. En contrepartie, les entreprises sont fortement incitées à l’électrique grâce à un nouveau régime de faveur : un abattement exceptionnel de 70% (plafonné à 4 582 € par an) est appliqué sur l’avantage en nature des véhicules 100% électriques, et les frais d’électricité ne sont pas pris en compte dans le calcul de cet avantage.
Réforme majeure de l’avantage en nature véhicule
L’arrêté du 25 février 2025 a profondément modifié le barème d’évaluation forfaitaire, avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er février 2025. Cette réforme impacte directement le calcul des cotisations sociales :
Pour les véhicules achetés :
- Moins de 5 ans : passage de 9% à 15% du coût d’achat TTC
- Plus de 5 ans : passage de 6% à 10% du coût d’achat TTC
- Avec carburant inclus : passage de 12% à 20% (15% si plus de 5 ans)
Pour les véhicules loués ou en LOA :
- Sans carburant : passage de 30% à 50% du coût global annuel
- Avec carburant : passage de 40% à 67% du coût global annuel
Le nouveau régime ultrafavorable pour l’électrique
Conformément au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFIP), les véhicules 100% électriques bénéficient désormais d’un régime exceptionnel :
- Abattement porté de 50% à 70% sur l’avantage en nature
- Plafond relevé à 4 582 € par an (contre 2 000,30 € auparavant)
- Applicable jusqu’au 31 décembre 2027
- Condition : score environnemental compatible avec le bonus écologique (éco-score ADEME)
- Frais d’électricité non comptabilisés dans le calcul
Changement du malus écologique 2025
Le barème du malus a été considérablement renforcé pour 2025 :
| ÉMISSIONS CO₂ | MALUS 2024 | MALUS 2025 | ÉVOLUTION |
|---|---|---|---|
| 120 g/km | 100 € | 210 € | +110% |
| 140 g/km | 500 € | 1 050 € | +110% |
| 160 g/km | 1 500 € | 3 150 € | +110% |
Le plafond maximal du malus atteint désormais 70 000 € pour les véhicules les plus polluants.
Analyse financière comparative
Coût total de possession (TCO) – véhicule de fonction
Véhicule acheté (exemple : berline 35 000 €, moins de 5 ans)
Calcul forfaitaire :
- Avantage en nature annuel = 35 000 € × 15% = 5 250 €
- Charges sociales employeur (45%) = 2 362 €
- Coût fiscal total = 7 612 €
Calcul Réel (Usage privé 30%) :
- Base = (35 000 € × 20%) + assurance + entretien = 9 500 €
- Avantage = 9 500 € × 30% = 2 850 €
- Charges sociales = 1 282 €
- Coût fiscal total = 4 132 €
💡 Économie potentielle : 3 480 € par véhicule
Impact du nouveau régime électrique
Véhicule électrique 45 000 € :
Sans abattement :
- Avantage classique = 45 000 € × 15% = 6 750 €
Avec abattement 70% :
- Avantage après abattement = 2 025 €
- Économie annuelle = 4 725 €
- Économie avec charges sociales = 6 851 €
Véhicule de service : optimisation TVS 2025
Selon la Direction générale des Finances publiques, la taxe sur les véhicules de société (TVS) 2025 applique un barème CO₂ actualisé :
- Moins de 120 g/km : exonération totale
- 121-140 g/km : 27 € par gramme excédentaire
- Plus de 140 g/km : 27 € + 12,5 € par gramme au-delà
Exemples concrets :
Véhicule 130 g CO₂/km :
- TVS = (130-120) × 27 € = 270 € par an
Véhicule 150 g CO₂/km :
- TVS = (140-120) × 27 € + (150-140) × 12,5 € = 665 € par an
Stratégies d’optimisation pour gestionnaires de flotte
Matrice décisionnelle 2025-2026
| CRITÈRE | VÉHICULE DE SERVICE | VÉHICULE DE FONCTION |
|---|---|---|
| Usage privé > 20% | ❌ Non recommandé (risque de requalification) | ✅ Optimal (l’avantage en nature est justifié) |
| Kilométrage > 25 000 km | ✅ TVS avantageuse (si faibles émissions de $text{CO}_2$) | ⚠️ Évaluer selon le profil (impact sur le calcul au réel) |
| Véhicule électrique | ⚠️ Bonus limité (moins d’avantages fiscaux spécifiques) | ✅ Abattement 70% (fort impact positif sur l’Avantage en Nature) |
| Rotation fréquente du véhicule | ✅ Flexibilité totale (gestion simplifiée par l’employeur) | ❌ Accord salarié requis (retrait plus complexe) |
Recommandations stratégiques
Pour les véhicules de fonction :
- Privilégier l’électrique : abattement 70% + image RSE + conformité environnementale
- Optimiser le calcul : comparer systématiquement méthode réelle vs forfaitaire
- Former les utilisateurs : tenir un carnet de bord précis du kilométrage privé
- Anticiper 2026 : préparer les nouvelles obligations déclaratives
Pour les véhicules de service :
- Cibler < 120 g CO₂ : bénéficier de l’exonération TVS totale
- Mutualiser l’usage : optimiser le taux d’utilisation entre collaborateurs
- Digitaliser le suivi : garantir la traçabilité de l’usage professionnel
- Négocier les contrats : inclure des clauses spécifiques domicile-travail
Mobilité intelligente
Les évolutions réglementaires de 2025-2026 marquent un tournant décisif dans la gestion de flotte automobile en France. L’électrification devient un levier d’optimisation fiscale incontournable grâce à l’abattement de 70%, tandis que la digitalisation du suivi s’impose comme une nécessité opérationnelle face aux nouvelles obligations déclaratives.
Pour les gestionnaires de flotte, l’enjeu n’est plus seulement de choisir entre véhicule de fonction et de service, mais de construire une stratégie hybride intelligente alliant :
- Performance économique (optimisation TCO et charges sociales)
- Conformité réglementaire (respect du Code du travail et obligations fiscales)
- Responsabilité environnementale (transition vers une flotte décarbonée)
Les entreprises qui anticiperont ces changements et adopteront une approche proactive bénéficieront d’un avantage compétitif significatif, tant sur le plan financier que sur celui de l’attractivité employeur.
